Glissement historique des thématiques d’ancrage du concept de « résilience »

  • Dans les années 70, James Lovelock a introduit ce concept dans le domaine de l’écologie pour caractériser le lien qui existe entre l’état de la biodiversité et la résilience des écosystèmes après un choc climatique ou environnemental. Dans ce contexte, la résilience se définit alors comme « l’aptitude d’un écosystème à se reconstituer à la suite d’une perturbation » (par exemple, la reconstitution d’une forêt après un incendie).
  • A la fin des années 90, Boris Cyrulnik a appliqué le concept de résilience au domaine de la psychologie comportementale, appliqué à un individu en état de choc à la suite d’un traumatisme ou d’une catastrophe. Son concept de résilience se définit comme « la capacité pour un individu à faire face à une situation difficile ou génératrice de stress » (un deuil, avec ses différents stades, par exemple).
  • Très vite, ce concept de résilience a été étendu au domaine de la psychologie sociale pour être appliqué à des groupes humains plus ou moins élargis.
  • C’est dans les années 2010 que le concept de résilience a été transposé au domaine économique et les anglosaxons ont élargi son application pour mesurer les effets du dérèglement climatique :
    • La « Résilience économique est la capacité d’un système (réseau, entreprise, territoire) à absorber les perturbations et à se réorganiser afin de conserver essentiellement les mêmes fonction, structure, identité et rétroactions » ; cette « réorganisation » peut être structurelle, fonctionnelle, ou être plus complexe…
    • La nécessité de pouvoir observer les « différentes phases » d’une crise, afin d’en mesurer les effets et de trouver des solutions pour en minimiser leurs impacts lors d’une prochaine crise, a permis de produire des méthodes d’analyse ad oc identifiant et caractérisant précisément chacune de ces phases (voir les différentes méthodes proposées infra).
  • Puis, toujours en s’appuyant sur un modèle d’approche systémique, le concept de résilience s’est progressivement appliqué à de nouveaux domaines d’analyse, dont le tourisme, chaque domaine devant se doter de sa propre définition de la résilience, des bons outils de mesure et de méthodes d’analyse appropriées.

Approche du concept de résilience à partir de l’analyse des données :

Outre ces définitions sectorielles, il est très vite apparu qu’une approche transversale, fondée sur les « données », devenait de plus en plus nécessaire, notamment avec l’émergence du « Big Data », l’extension des villes et territoires dits « intelligents » (c’est-à-dire producteurs et utilisateurs de données, donc « communicants ») ou encore du rôle croissant que jouent les données pour mettre en œuvre un développement plus durable et résilient sur un territoire, pour une activité ou pour un système.

>Par ailleurs, le rôle croissant que jouent les « données » est désormais acté dans un nombre croissant de normes nationales et internationales et, dans ce contexte, l’année 2021 pourrait voir émerger environ 150 de ces nouvelles normes.

  • De grands Groupes, tel Microsoft, ne pouvaient rester à l’écart de ce phénomène ; ainsi, pour Microsoft, la résilience c’est « trouver rapidement de nouvelles voies (= solutions) à partir de nouvelles informations » : dans cette perspective, pour augmenter la résilience d’une activité – d’une entreprise – d’un site / espace / parcours / territoire touristique, il convient d’utiliser des méthodes spécifiques et adaptées au domaine d’activité, à la nature des données disponibles et au territoire considéré. Ces méthodes doivent permettre d’identifier, parmi vos données ou les autres données disponibles, des informations exploitables pour vous aider à prendre rapidement des décisions éclairées et à planifier vos actions et projets en toute confiance. Pour cela Microsoft propose une plateforme en ligne « Azure Analysis Services ».
    • Pour mesurer la résilience, un concept a pris une importance toute particulière et permet d’envisager des solutions de calcul innovantes : le concept « d’observabilité » :
    • Il apparait en effet que « l’observabilité » des états internes d’un système peut être déduite des données disponibles à l’extérieur et l’on peut en donner une mesure ;
    • On en déduit donc qu’il est possible de modéliser un système complexe en mesurant sa réactivité face à un aléa et d’en déduire des informations utiles quant à sa résilience future

Dans le cadre de nos travaux pour EvalTo-SETTI ou le Cercle Stendhal, nous utilisons plusieurs méthodes et outils innovants que nous adaptons pour chaque étude en fonction des besoins / réalités de terrain.

  • Avec le progiciel d’analyse et de visualisation de données « R » que nous utilisons, l’extension (Package) « FactoMineR », ainsi que son interface graphique « Rcmdr », est dédiée à « l’analyse exploratoire des données ». Ce binôme de fonctions est cité à titre d’exemple, mais l’on pourra également utiliser les extensions « ade4 », « dlookr » ou « MASS » etc. de « R ».

    Il faut noter que la « méthode française » d’analyse exploratoire de données est spécifique et qu’elle est issue de travaux menés au CNRS (puis repris par l’INED) à partir de la méthode d’analyse développée dans les années 1960-1970 par le statisticien américain John Wilder Tukey : cette méthode comprend deux étapes successives indispensables et complémentaires :
    • L’analyse exploratoires de données et
    • L’analyse de tests d’hypothèses, qui permet de confirmer ou non les résultats de la première phase d’analyse exploratoire des données (ce qui est fondamental dans le domaine de l’économie, en général, et pour le tourisme en particulier) ;
    • L’INED recommande l’usage des extensions de « R » citées ci-dessus et précise que les méthodes d’analyse doivent être parfaitement adaptées pour chaque type de données analysées.

A partir de mesures quantitatives, on observe une évolution progressive vers la prise en compte de mesures semi-quantitatives, puis qualitatives, pour l’évaluation et la mesure de la résilience économique (territoriale ou non)

Depuis les années 2000, il est progressivement apparu que le seul recours aux données quantitatives pouvait ne plus suffire aux besoins / réalités du terrain : on constate désormais une part croissante de données semi-quantitatives, c’est-à-dire « mesurables », ainsi que de données purement qualitatives, ordinales ou cardinales. Cette tendance s’est par ailleurs renforcée depuis la crise de la covid-19 mais nous mettons toujours en pratique une sélection méthodes qualitatives qui s’avèrent toujours indispensables pour certains processus de prise de décision, d’analyse de risques ou d’analyse statistique.

  • Pour analyser la résilience (socio)économique touristique (territoriale) les principales méthodes de mesure de la résilience que nous utilisons se répartissent entre deux grands pôles :
  • Dans le domaine du tourisme, nous utilisons les principales méthodes ci-après :
    • Pour les méthodes quantitatives :
      • Lorsque très peu de données sont disponibles :
        • Formules ouvertes de Newton-Cotes (NC) – XIIe siècle,
        • Méthode des trapèzes (ou NC) : extensions « pracma » (12/2019) ou « pointRes » (05/2020) de « R »,
      • Analyse de la « fonctionnalité critique » en quatre phases, standard préconisé par l’Académie des sciences américaine (NAS) (01/2016) ;
  • Pour les méthodes qualitatives (ou mesurables) :
    • Matrice de résilience d’Igor Linkov (2017),
    • Matrice de résilience (EPFL/IRGC – 2018),
    • Analyse de la résilience en cinq phases (OCDE/NAEC – 05/2019) ;
  • Autres méthodes avec « R » : « kwb.resilience »,  « arse », …
  • Selon les cas, ces méthodes peuvent s’utiliser seules ou en combinaison ;
  • L’OCDE/NAEC et l’EPFL/IRGC ont validé et utilisent la matrice de Linkov ou ses dérivées.