Appliquée aux synergies entre Patrimoine mondial,
Développement Durable et Tourisme
OurWorldHeritage est une ONG composée de de citoyens et d’organisations de professionnels du monde entier qui se sont mobilisés pour renforcer la protection des sites du patrimoine mondial en tant que ressource commune. Officiellement lancée en novembre 2020, à l’occasion du 48ème Anniversaire de la Convention du Patrimoine Mondial, sous l’égide de Mme Irina Bokova, ancienne Directrice du Centre du Patrimoine Mondial, de nombreux membres actuels ou anciens de l’UNESCO, de l’UICN et d’ICOMOS en font partie ou contribuent à son action.
Ciblant le 50ième anniversaire de la Convention du patrimoine mondial en 2022, OurWorldHeritage prévoit de mobiliser un réseau mondial pour renouveler l’esprit originel de la convention et renforcer la protection du patrimoine pour les 50 prochaines années, et faire face aux défis qui menacent notre planète et la diversité de nos cultures. L‘objectif est de construire un réseau mondial incluant le plus grand nombre possible de membres de la société civile, en vue de transmettre aux générations futures notre héritage naturel et culturel commun. S’inscrivant dans les recommandations de l’ONU, OurWorldHeritage promeut l’équilibre entre les sexes, les régionaux et les âges dans ses activités et entend promouvoir le rôle des jeunes dans tous les aspects de la gestion du patrimoine, afin de sensibiliser les générations futures à l’importance du patrimoine culturel et naturel pour la société et d’assurer sa conservation à long terme. L’implication systématique de la société civile est élémentaire dans la recherche de solutions durables.
OurWorldHeritage appellera également les États parties ainsi que les acteurs publics et privés à respecter l’esprit de la Convention du patrimoine mondial et à mettre fin à la politisation.
Les moyens d’action de cette ONG s’appuient sur le réseau constitué par ses membres, les réseaux sociaux, des groupes de travail par thèmes, un blog mensuel, une lettre mensuelle, des sondages et consultations et l’organisation d’évènements variés, dont la liste pour 2021 est accessible sur leur site : https://www.ourworldheritage.org/. Parallèlement, le blog journal of Cultural Heritage Management and Sustainable Development (JCHMSD) préconise l’initiative OurWorldHeritage (OWH). Le JCHMSD lie la gestion du patrimoine culturel au développement durable en publiant des articles multidisciplinaires provenant des domaines de l’environnement bâti, du tourisme et de la durabilité.
Chaque année, différents thèmes seront traités dans le cadre d’actions de sensibilisation à la préservation et au développement durable du Patrimoine à l’échelle mondiale, chaque thème donnant lieu à un mois de Séminaires mondiaux, virtuels cette année : « Globinars », en anglais ou en français (et sans doute, ultérieurement, en d’autres langues), et dont la liste, pour 2021, figure sur leur site.
Cette action a été lancée en 2021, avec deux thèmes prioritaires traités en Février : les Nouvelles Technologies de l’Information et le Tourisme :
1° Les Nouvelles technologies de l’information
Christina Cameron (Canada), membre bien connu d’ICOMOS, ancienne représentante du Canada auprès du Comité du Patrimoine Mondial, et qui a en charge, au sein de OWH, le groupe de travail consacré aux Nouvelles technologies, était assistée de Mario Santana Quintero (Canada), Secrétaire Général d’ICOMOS International et de Haifaa Abdulhalim (Jordanie) membre de l’UICN.
Une série de 3 séminaires identiques, ont été organisés, sur ce thème, dans les différentes parties du monde, en fonction des fuseaux horaires. Le premier ayant eu lieu le 9 Janvier, le second le 6 Janvier et le 3ème le 10 Avril.
2° Le Tourisme
En 2020, une grande consultation a été lancée à travers le monde, dans le cadre de OWH, par le réseau UNITWIN des Chaires UNESCO Universitaires, qui rassemble plus de 700 établissements de 116 pays. 210 recommandationssur la façon de créer de meilleures synergies entre le tourisme et les sites du patrimoine mondial ont été recueillies dans de nombreuses régions du monde dans le but de promouvoir un nouveau paradigme de développement conforme aux Objectifs de développement durable préconisés par l’ONU, dans le respect de la convention de 1972.
Une série de 24 séminaires virtuels mondiaux (globinars) consacrés au Tourisme, ont été organisés sous la Direction de Minja Yang, ancienne Directrice Adjointe du Centre du Patrimoine Mondial et de Maria Gravari Barbas, ancienne Directrice de l’IREST Paris Sorbonne, Présidente de la Chaire UNESCO Tourisme, membre d’UNITWIN, d’ICOMOS et d’ICTC.
Les 210 recommandations sur un tourisme durable dans les sites du Patrimoine Mondial collectées par UNITWIN en 2020 ont été analysées, synthétisées et ont donné lieu à 21 recommandations politiques qui ont été présentées par les organisateurs au cours de 3 séminaires programmés les 3 premiers lundis de février, dont celui de lancement du mois consacré au Tourisme. Le séminaire de clôture a eu lieu avec la participation de Fergus McLaren, Président de ICTC (Comité Scientifique du Tourisme Culturel d’ICOMOS).
Cette série de séminaires sur le Tourisme ont traité pour 10 d’entre eux de thèmes généraux, tandis que les 14 autres ont été organisés par des représentants de tous les continents, sauf l’Australie, l’Asie étant le plus actif avec 9 séminaires, dont 2 portés par la France.
L’un, réalisé le 14 février, par Françoise Ged, Architecte Urbaniste à la Cité du Patrimoine et membre d’ICOMOS France, portant sur la planification urbaine et territoriale intégrée autour du patrimoine, du tourisme et du développement local, à partir de l’exemple de la coopération franco-chinoise qu’elle suit depuis de nombreuses années.
Le second, présenté le 11 Février, avait pour thème : les enjeux du tourisme face a la conservation du patrimoine et au développement local en France : focus sur la gouvernance.
Conçu par Minja Yang et Michèle Prats (ICOMOS France), coordonné et animé par cette dernière, en lien avec l’Association des biens français du patrimoine mondial, le Réseau des Grands Sites de France et ICOMOS France et avec le concours de Jean-Pierre Martinetti, Président du Cercle Stendhal, qui en était le rapporteur.
L’objectif était de débattre, à partir d’un certain nombre d’exemples, sur la contribution du tourisme à la conservation et à la valorisation du patrimoine des sites inscrits au patrimoine mondial et des Grands Sites en France, ainsi qu’au développement durable, au niveau local, en insistant sur le caractère partenarial de leur gouvernance et rappel des recommandations de politiques de tourisme.
- Après le chaleureux discours d’accueil de Jean-François CARON, Président de l’Association des Biens français du Patrimoine Mondial, Maire de Loos-en-Gohelle, Vice-Président de la Mission Bassin Minier, Yves Dauge
- Yves DAUGE, Président d’honneur de l’Association des biens français du patrimoine mondial, ancien Sénateur-Maire de Chinon a brillamment exposé la problématique générale
- Puis Michèle PRATS, Experte ICOMOS et ICTC, Vice-Présidente du Cercle Stendhal, a présenté le thème, les objectifs et le déroulement de la session.
Elle rappelle que la France est un pays au riche patrimoine et qui a connu un très fort développement touristique : notre pays était devenue, avant la pandémie, avec en 2019 près de 90M de touristes étrangers, et autant de nuitées de touristes nationaux, le 1er pays touristique du Monde, en nombre de visiteurs pour la seule France métropolitaine, et le 3ème en termes de dépenses, soit 66 milliards d’€ pour les touristes étrangers, mais 107 milliards d’euros pour les touristes nationaux, et le secteur représentait 8% du PIB National.
Cependant, les situations étaient très contrastées selon les Régions, Paris ayant attiré 38 millions de touristes, dont 60% d’étrangers, alors que la moyenne nationale était exactement inverse et que la fréquentation des touristes nationaux est en progression de 4% par an.
2020 aura été la pire année de l’histoire mondiale du tourisme avec 1 milliard d’arrivées internationales en moins, mais en France, pendant l’été les touristes nationaux ont en partie compensé les pertes internationales, redécouvrant les richesses de son patrimoine, de ses paysages culturels et naturels et de sa gastronomie.
La richesse de son patrimoine a valu à la France de compter 45 Biens inscrits au Patrimoine Mondial, dont 39, culturels, 5 naturels et 1 mixte, et elle est aussi, on ne le sait sans doute pas assez, le premier pays à avoir conçu une réglementation forte en faveur du patrimoine, ce qui lui a permis de le préserver en grande partie, malgré son fort accroissement démographique et le développement urbain. : C’est à Mérimée que l’on doit les premiers textes sur les Monuments Historiques : il fut à l’origine d’une circulaire ministérielle du 10 août 1837, qui classa 943 premiers édifices et il lança leur restauration « dans les règles de l’art », quant à la protection du paysage et de la nature, le premier acte en fut par décret impérial pris en 1861, à la suite d’un important mouvement citoyen mené par Victor Hugo, de nombreux écrivains, les peintres de Barbizon, des randonneurs et le Touring club de France, instituant dans la forêt de Fontainebleau la première « réserve artistiques » préservant près de 1000 ha de forêt qui étaient menacés de coupe sévère (soit 11 ans avant Yellowstone), préfigurant ainsi les lois sur les sites (1906) et beaucoup plus tard les réserves naturelles, citons enfin les secteurs sauvegardés en milieu urbain avec la loi Malraux (4 Août 1962). Depuis diverses législations ont vu le jour, visant à protéger monuments, ensembles urbains, paysages culturels ou naturels de qualité, qui font la richesse de notre patrimoine, s’accompagnant de structures de gestion nombreuses et variées.
En effet, pour préserver le patrimoine, qu’il soit culturel ou naturel, il ne suffit pas de protéger ou d’interdire, il faut aussi le gérer et l’entretenir, or cela nécessite d’être au plus près du terrain, et, surtout au plus près du ou des propriétaires, publics ou privés et de l’usager.
Ainsi que le rappelait Yves Dauge, nous disposons pour cela de nombreux organismes et de structures de gestion du patrimoine, fondées sur le principe de partenariat /participation. Etat et/ou collectivités territoriale et citoyens. Ce sont ces structures dédiées et qui, dans les nombreux espaces protégés, grâce à cette gouvernance plurielle, adaptées à chaque situation locale, fédèrent les différentes parties prenantes, publique ou privées, tout en faisant appel à des techniciens, hommes de l’art ou scientifiques.
L’objectif de cette journée internationale était de présenter, à travers un certain nombre d’exemples, la variété des situations permettant non seulement de protéger et d’assurer la maintenance des divers patrimoines, mais aussi de les faire connaître, les expliquer, comprendre et aimer, tant du touriste que du grand public.
Et c’est cette vocation pédagogique, sans cesse renouvelée, qui représente une partie importante de leur mission.
Au cours de cette séance, particulièrement riche et suivie d’un débat animé avec les participants, 6 témoins ont présenté, chacun sous un angle différent, l’expérience vécue dans leur site, dont vous trouverez ci-après la liste, le titre des interventions et une très brève synthèse, parfaitement résumée par le rapport de Jean-Pierre Martinetti et dont vous trouverez ci-joint, en italique, quelques extraits.
• Sébastien GIORGIS, Adjoint au Maire d’Avignon d’Avignon et membre d’ICOMOS a expliqué la nouvelle politique lancée par la ville, sous le titre: Le site UNESCO d’Avignon, une « énergie durable » pour son territoire et ses citoyens.
Evoquant l’ambivalence de la Cité d’Avignon aux « deux visages », intramuros: celui de la « lumière » du site UNESCO, le patrimoine culturel historique et architectural du Festival et extramuros, celui de «l’ombre», caché, relativement pauvre et souvent oublié. Une situation qui a conduit la Municipalité à optimiser l’effet levier actuel de l’Avignon du Patrimoine Mondial, mais aussi à développer et diversifier l’offre et les centres d’intérêt, tout en élargissant sous plusieurs formes le champ territorial de l’activité touristique, y compris au niveau interdépartemental.
• Bruno MARMIROLI, Directeur de laMission Val de Loire a proposé pour le Val de Loire, Un paysage culturel à (ré)inventer.
Rappelant que la problématique touristique du Val de Loire, au paysage culturel évolutif et vivant, était à redécouvrir, surtout dans le contexte actuel et la prise de conscience des enjeux climatiques et environnementaux, en proposant une offre élargie et renouvelée.
• Catherine O’MIEL, Mission Bassin Minier Nord-Pas de Calais, membre d’ICOMOS, a démontré Comment l’inscription au patrimoine mondial contribue au développement d’un tourisme de sens.
Avec le passage de l’ombre à la lumière, avec la construction d’un renouveau et d’une fierté retrouvée qui font sens, avec l’inscription au patrimoine mondial à partir d’un imaginaire de destination touristique autour des paysages de l’identité et des valeurs du bassin minier du Nord Pas-de-Calais et de ses habitants.
• Soline ARCHAMBAULT, Réseau des Grands Sites de France, membre d’ICOMOS , a présenté La démarche Grand Site de France : une gestion des sites patrimoniaux et paysages emblématiques à l’échelle territoriale.
qui cultive les valeurs locales et l’exception dans la diversité à partir de patrimoines à la fois communs et uniques, un réseau qui cultive « l’esprit des lieux » comme clé de compréhension de l’identité des territoires.
Il convient de rappeler ici que ce réseau est issu des travaux et de propositions portées par ICOMOS France et énoncées en 1997 lors d’un colloque fondateur à la Pointe du Raz, en présence de la Ministre de l’Environnement…
• Vincent GUICHARD, Grand Site de France Bibracte-Mont Beuvray : Du projet scientifique au projet de territoire, chronique d’un cheminement
C’est un processus par étapes qui a conduit ce site relativement isolé, d’un projet scientifique et d’interprétation innovante ciblé sur un site archéologique majeur, à une gestion partenariale et intégrée du patrimoine culturel et naturel, jusqu’au projet de territoire d’accueil de visiteurs très diversifiés : scolaires, excursionnistes et touristes , logiquement non majoritaires. Un projet de territoire qui de par ses dimensions et ses composantes, dont le paysage, a été vecteur d’une approche holistique et ambitieuse.
Diffusion d’une vidéo :
• « Le 5e Lieu, Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine de la Ville de Strasbourg (CIAP), lieu d’introduction au site inscrit au patrimoine Mondial : de la Grande-Île à la Neustadt ».
Où nous est présenté l’émergence progressive de Strasbourg Métropole alsacienne, Capitale européenne, Site du Patrimoine Mondial qui intègre et promeut une mémoire biculturelle /duale, à travers ses architectures et son urbanisme mais aussi un capital en eau redécouvert et valorisé dans un territoire et une destination multifacette en mouvement.
Malgré la diversité des contextes et des expériences présentées, une convergence certaine ressort : celle de l’élargissement de la notion de patrimoine à toutes les valeurs culturelles et environnementales, matérielles et immatérielles, du Territoire pour asseoir un projet à long terme, concerté, porté par les élus et les habitants, solidaire, enrichi et élargi au-delà des limites du site stricto sensu, afin qu’il valorise un plus vaste ensemble, tout en allégeant les pressions sur le cœur du Bien. L’heure est venue, pour le développement durable des territoires et le meilleur profit des habitants (dans tous les sens du terme), de promouvoir un tourisme respectueux, indissociable d’un projet construit en concertation, fondé sur la mise en valeur des patrimoines naturels et culturels, la qualité de l’accueil et une initiation du visiteur aux valeurs du lieu.
Le mois de Mai sera consacré aux Droits Humains, dans ce cadre, un nouveau « webinaire » sera organisé le 5 Mai à 13h UTC sur le thème de Tourisme et pandémies dans les sites du Patrimoine Mondial, dont la modératrice sera Cyntia Pérez (Espagne), architecte, membre de IHTT (Institut de l’Habitat, du Territoire et du Tourisme) de Malaga. Alors que la majorité des intervenants prévus sont des hispanophones, la langue de travail en sera l’anglais, comme dans la plupart des séminaires, seuls 4 étaient en français, et un en chinois, lors de la session de février… A quand le droit d’expression dans les grandes langues internationales ? A moins que l’intelligence artificielle ne favorise la traduction instantanée en temps réel… Auquel cas, l’appauvrissement linguistique, comme celui de l’orthographe lié aux SMS, aux correcteurs artificiels et aux media nous guette, mais c’est peut-être le prix à payer pour une meilleure communication entre les diverses populations du monde (à condition qu’elles y aient accès !).
Quoiqu’il en soit, cette initiative citoyenne me paraît très intéressante et une organisation comme la nôtre ne peut que s’y rallier…
Michèle Prats
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