Focus sur la Gouvernance,
Rapport de la Séance du 11 janvier 2021
organisée dans le cadre de l’initiative OWH «OURWORLDHERITAGE »de plateforme citoyenne, s’inscrivant dans les préoccupations de l’ONU et de l’UNESCO en matière d’implication du citoyen, et de sensibilisation à la protection et à la gestion du Patrimoine Mondial.
Le thème et les travaux qui nous réunissent aujourd’hui témoignent de l’actualité du sujet retenu au moment où nous célébrons le cinquantenaire de la convention de 1972 sur le Patrimoine mondial.
Ils soulignent également les dimensions multiples des enjeux, à la fois culturels, environnementaux, économiques, politiques, sociétaux…
Ces enjeux forts s’inscrivent dans un nouveau contexte car les convergences sont désormais évidentes dans les approches et les relations entre tourisme et territoires protégés au travers des expériences et des témoignages des sites français inscrits au Patrimoine mondial et des Grands sites de France
Pour en rendre compte dans le cadre de cette brève synthèse, je vous propose d’opérer en trois temps en résonnance avec les objectifs de la séance rappelés dans les propos liminaires de Maria GRAVARI-BARBAS et Michèle PRATS :
– le cadre et les enjeux du tourisme face aux défis de la conservation du patrimoine et du développement local
– le terrain et les expériences présentées;
– les perspectives d’un nouveau modèle de développement local du tourisme conforme aux objectifs du DD.
C’est aussi, l’objet et le sens des travaux de l’Association des Biens Français du Patrimoine Mondial dont le Président, Jean-François CARON et le Président d’Honneur Yves DAUGE ont accueilli les participants et rappelé la problématique.
I. Cadre, enjeux et défis de la mise en tourisme des biens français du patrimoine mondial et des Grands sites de France.
De fait la contribution du tourisme à la conservation /valorisation du patrimoine dans son sens le plus large (naturel/culturel -matériel / immatériel) est un défi d’envergure souvent relevé par les élus et les décideurs concernés.
Un tourisme qui, comme l’a souligné d’emblée Yves DAUGE, est à la fois :
– au cœur d’une grande ambition de valorisation de ces territoires patrimoniaux dans le cadre d’un projet politique porté par les élus ;
– et un domaine d’activités qui au même titre que les centres anciens, notamment dans les villes petites et moyennes, constitue désormais un champ privilégié d’analyse et d’intervention.
Une «mise en tourisme» qui doit s’accompagner d’une prise de conscience partagée du rôle à jouer pour protéger et promouvoir un patrimoine et des valeurs exceptionnelles et universelles.
De ce point de vue les enjeux émergent d’une appréciation pertinente et lucide du potentiel et des atouts de ce patrimoine en termes de développement territorial, dans le cadre d’une intelligence éclairée des réalités et des spécificités voire de la complexité des situations locales
– C’est ainsi le cas de l’ambivalence, de la Cité d’Avignon aux « deux visages », et comme l’a souligné Sébastien GIORGIS, intramuros celui de la « lumière » du site UNESCO, le patrimoine culturel historique et architectural du Festival et l’Avignon extramuros celui de «l’ombre», caché, pauvre et souvent oublié.
Une situation qui a conduit à optimiser l’effet levier actuel de l’Avignon du Patrimoine Mondial, mais aussi à développer et diversifier l’offre et les centres d’intérêt, tout en élargissant sous plusieurs formes le champ territorial de l’activité touristique.
– C’est aussi, d’autre part, comme l’a montré Bruno MARMIROLI, la problématique touristique du Val de Loire au paysage culturel évolutif et vivant à redécouvrir avec une offre et dans un contexte élargis et renouvelés.
– Le passage de l’ombre à la lumière avec la construction qui fait sens, avec inscription au patrimoine mondial à partir d’un imaginaire de destination touristique autour des paysages de l’identité et des valeurs du bassin minier du Nord Pas-de-Calais et de ses habitants comme l’a bien montré Catherine O’MIEL.
C’est aussi l’émergence progressive de Strasbourg Métropole alsacienne, Capitale européenne, Site du Patrimoine Mondial qui intègre et promeut une mémoire biculturelle /duale, à travers ses architectures et son urbanisme mais aussi un capital en eau redécouvert et valorisé dans un territoire et une destination multifacettes en mouvement.
– Une problématique que connaît bien le Réseau des Grands Sites de France qui cultive les valeurs locales et l’exception dans la diversité à partir de patrimoines à la fois communs et uniques comme l’a indiqué sa Directrice, Soline ARCHAMBAULT ; un réseau qui cultive « l’esprit des lieux » comme clé de compréhension de l’identité des territoires.
– Parmi ces Grands Sites de France, celui de Bibracte Mont Beuvray (Morvan et Bourgogne) qu’un processus par étapes a conduit du projet scientifique ciblé sur un site archéologique majeur a une gestion partenariale et intégrée du patrimoine culturel et naturel du site jusqu’au projet de de territoire d’accueil de visiteurs très diversifiés scolaires, excursionnistes et touristes , logiquement non majoritaires, comme l’a signalé le directeur général, Vincent GUICHARD.
Un projet de territoire dans ses dimensions et ses composantes dont le paysage a été vecteur d’une approche holistique du territoire.
Ces éléments amènent à s’interroger sur les spécificités mais aussi les éléments de convergence des expériences sur les territoires.
II L’expérience des actions sur le terrain, une large convergence au sein de la diversité des expériences présentées.
L’évocation et le croisement des expériences présentées sur les manières d’opérer sur les manières d’opérer pour une meilleure synergie entre le tourisme, les sites français du Patrimoine Mondial et les Grands Sites de France met en avant plusieurs points forts et éléments de convergence.
– La nécessité de prendre en compte et de respecter le processus, la chaîne de l’approche globale du Patrimoine, sous-jacente dans chacune des expériences, élément d’intégration et d’attractivité touristique.
– Une chaîne et un parcours que préconise et a pratiqué Strasbourg en allant de la connaissance à la conservation puis à la valorisation enfin la transmission (la pédagogie ) de celle-ci .
– Autre point fort combiner solidarité et subsidiarité dans une conduite au plus près du terrain.de projets de protection-développement du patrimoine sur les territoires, portés par les élus.
Avec une gouvernance partenariale et partagée, chacun pour ce qui le concerne dans une subsidiarité effective, Etat, collectivités mais aussi parties prenantes « éparpillées » ou non comme le rappelle Yves DAUGE qui préconise « alliances » et implications de celles-ci (« habitants ambassadeurs »)
Le cas du Bassin Minier du Nord Pas de Calais, présenté par Catherine O’MIEL est à la fois atypique et éclairant de la dimension touristique d’une démarche d’inscription au Patrimoine mondial d’abord mémorielle d’un pays et de ses habitants, qui a évolué dans le cadre d’une synergie effective avec le Musée du Louvre à Lens. Cet évènement a été l’élément déclencheur d’un processus de mise en tourisme d’un espace-destination qui fait sens avec un potentiel de paysages et de sites patrimoniaux nombreux et attractifs
Dans un contexte différent, celui du Grand site de Bibracte Mont Beuvray, le cheminement évoqué par Vincent GUICHARD, jalonné par l’impulsion donnée au site archéologique par l’Etat, la gestion partenariale et intégrée du site patrimonial (Etat-Région-PNR) et au-delà l’élargissement d’un territoire aux activités d’agriculture et de sylviculture, de culture et de tourisme visant acteurs et publics diversifiés.
Enfin une réflexion partagée sur l’avenir du territoire a été conduite impliquant les parties prenantes concernées, phase à laquelle il nous a été donné de participer, dans un projet expérimental et holistique de territoire autour de la préservation / valorisation de son paysage culturel
-Cette expérience illustre l’importance de la continuité d’une démarche s’inscrivant dans la durée voire le temps long, avec une approche fonctionnelle et dynamique dans la conduite des stratégies de l’offre touristique locale :
stratégies de maîtrise du développement et de régulation des flux (étalement dans le temps et l’espace) à partir d’une politique adaptée de l’offre locale;
stratégies de diversification ciblée et innovante des activités et produits ( comme celle de l’alternative de visite virtuelle du Palais des Papes d’Avignon) ; stratégies d’élargissement progressif de destinations concentriques à partir d’Avignon jusqu’à la destination éclatée fonctionnant en réseau de sites «Provence Patrimoine Mondial»;
stratégies développées dans un Val de Loire au paysage culturel à redécouvrir selon Bruno MARMIROLI à partir d’un enrichissement de la gamme et des filières de circulations douces du vélo à la navigation fluviales en passant par les déclinaisons du capital patrimonial local vivant (fêtes, histoire, gastronomie …)
Ce tourisme de l’offre facteur de maîtrise du développement local en termes de gouvernance, de marketing et de management (y compris en termes de taxation) de l’activité sur les territoires, qui éclairent et prolongent le propos d’Yves DAUGE.
III. La perspective d’un tourisme d’après : promouvoir un nouveau paradigme de développement (local) conforme aux objectifs du développement durable.
Pour le phénomène touristique la perspective d’un nouveau mode de développement prend forme aussi bien dans la conception et la mise en œuvre des politiques et des projets, que dans l’implication et l’éclairage des acteurs (observation, aide à la décision, accompagnement).
Il s’agit de travailler ensemble à un tourisme d’après, réinventé et largement consensuel, dans le cadre d’une renaissance responsable de l’activité dont les espaces protégés et leur offre mariant tourisme et patrimoine pourraient être les pionniers.
De ce point de vue la crise sanitaire si dévastatrice qui pénalise gravement l’activité touristique peut paradoxalement jouer un rôle facilitateur voire accélérateur de la transition vers un tourisme d’après, responsable et durable.
Nos travaux de ce jour, confirment que des perspectives et des avancées existent en matière de développement durable du tourisme.
Mais, il convient de rappeler que, dans ce domaine comme en matière de bonheur, l’objectif n’est pas un terme ni un état à atteindre mais bien un processus à engager et un chemin à prendre vers un fragile et précieux équilibre à trouver et, surtout, à conserver.
Jean-Pierre MARTINETTI
Cercle Stendhal – ICOMOS France
Rapporteur
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